Le 27 août 1929, date fixe de la foire de la Saint-Césaire il y à 50 ans, (en 1879) mes camarades d'école et moi n'étions pas en retard pour nous lever, je vous assure ; et, pour être plus tôt dehors, nous nous passions généralement de déjeuner.
Déjà, sur les routes et dans les rues, des chars grinçaient, des bandes de bêtes et de gens arrivaient de tous côtés. Paysans à blouses noires, coiffés d'un petit chapeau, amenant des bœufs café au lait de la région de Saint-Santin, et paysan à blouse bleues, coiffés du large feutre, poussant leurs Salers, se rejoignaient sur le champ de foire.
Attendant l'heure habituelle des transactions, des marchands de bestiaux, le bâton à la main, se promenaient comme indifférents à tout ce qui se passait autour d'eux.
Sur la place, et derrière la halle les bazars finissaient de s'installer tandis que les cordonniers de Laroque arrangeaient de leur mieux leurs chaussures rustiques sur des étals de fortune.
Près de la grande fontaine, c'étaient des marchands de melons et des marchandes de fouassous, qui préparaient leur marchandise.
Au poids public affluaient les femmes de la campagne venues vendre beurre, œufs et volailles.
Dans des paniers de toutes formes, on voyait des volailles de toutes sortes et de toutes couleurs, de gros coqs avec des crêtes d'un rouge vif qui étaient de véritables enseignes lumineuses avant l'heure.
Les reflets de leurs gorges, le plumages vert ou violacé de leurs ailes, nous faisaient ouvrir des yeux ronds comme les leurs. Chez les poules, moins brillantes et plus discrètes, nous admirions surtout celles qui avaient sur la tête des plumets comme en portent les dames de nos jours. Des pigeons dans des cages, lançaient leurs têtes en avant, droits sur leurs pattes de corail ; c'étaient les aristocrates du marché. Près d'eux des lapins sont des sages.
Ailleurs c'étaient des troupeaux de dindons que des femmes à pailloles noires amenaient du sud du canton, les dirigeant difficilement à l'aide de gaules de noisetiers. Les fêtes caronculeuses et sanglantes de ces Messieurs ne nous empêchaient pas de les admirer, et nous les trouvions splendides quand, répondant à nos sifflement, ils se pavanaient, pleins de prétentions, devant nous en faisant la roue.
Le soleil commençait à se faire sentir plus violemment et la foire à s'animer. Le vacarme devenait assourdissant. Les gorets, qu'on descendait des chars qui les avaient amenés, trouaient de leurs cris perçant l'air brûlant du matin, taudis que, inquiets, bœufs et vaches poussaient des mugissements prolongés. Les gens du reste, rivalisaient du bruit avec les bêtes.
Ici, à côté d'un veau donnant des coups de tête dans les mamelles de sa mère, un marchand tâtait les flancs d'une génisse, plus loin un paysan s'informait si une paire de bœufs était bonne pour le travail. Les marchés devenaient vifs et animés. Vendeurs et acheteurs avaient beau taper plusieurs fois, en vociférant, dans les mains les uns des autres, l'accord ne s'en suivait pas toujours immédiatement, mais les acheteurs, confiants dans l'effet conciliateur d'une bouteille, amenaient les vendeurs à l'auberge, et là, après combien de paroles aussi peu sincères que chaudes et bruyantes, on finissait par s'entendre.
Cette scène se répétait à l'infini.
Près de la grande fontaine un individu vendait la complainte de Fualdès. A l'aide d'un long bâton il montrait chaque épisode du bâton il montrait chaque épisode du drame sur un carré de toile où se trouvaient des peintures ahurissante de naïveté. Et pour deux sous il vous donnait les cinquante couplets de la complainte :
Pères et mères de famille
Vous qui aimez vos enfants,
Elevez-les tendrement
Dedans la doctrine chrétienne