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Maurs la Jolie

La Perle du Cantal

[Echos d'antan] La Châtaigneraie Cantalienne

Publié le 27 Novembre 2023 par Maurs la Jolie in Hier et aujourd'hui

🌰 Le maître de cette région est le châtaignier "fier comme un roi qui a sa couronne en tête" (Arsène Vermenouze). Il pousse vigoureux, épars au milieu des champs fumés de céréales ou en bordure de chemin.
En groupement ordonnés, il n'est abondant que sur la partie supérieure des versants. Ce sont des finages très variés mais étirés sur une grande dénivellation : le castanhaire doit être un infatigable marcheur.
Le châtaignier est "l'arbre nourricier, l'arbre du pauvre, l'arbre du peuple" (A.VERMENOUZE). Au XVIIIe siècle, il est devenu, pour plusieurs paroisses, l'élément essentiel de la nourriture pour les plus modestes et un complément pour les autres.

Récolte de châtaignes sur cpa circulé en 1908

Récolte de châtaignes sur cpa circulé en 1908

🌰 Le châtaignier n'a pas remplacé les champs de céréales pour ses rendements plus élevés comme en Corse, il a occupé le plus souvent les pentes peu utilisées jusque-là. Cependant, ici aussi, la châtaigne s'est imposée comme aliment à une population rurale devenue trop nombreuse. Elle apparaît une et même deux fois par jour sur les tables, d'octobre à mars : au moment de la récolte, elle est consommée fraîche dans son enveloppe, c'est le teton ; ou grillée au feu, pelée et consommée encore fumante, c'est le bleusa ; le reste du temps, soit pendant plus de 4 mois, elle est consommée séchée, difficilement dépiquée le soir à la veillée, c'est l'auriou. Un vieil habitant de la Châtaigneraie, songeant à son enfance sourirait à la lecture des Mémoires de Marmontel :
         "Nous entendions l'eau du vase où cuisaient ces châtaignes si savoureuses et si douces, le cœur nous palpitaient de joie", car cette nourriture était en fait d'une rebutante monotonie et ce, malgré la sélection des diverses espèces. Par la greffe en flûte, les châtaigniers sauvages donnent ici moins de dix variétés :  la Janfona à la chair sucrée, savoureuse, peu cloisonnée, la Savoia meilleure encore, la Negra, la Rigala, à la peau noire elle aussi, la Verdala, de grosse taille et la Paqueta. Nous sommes loin de la soixantaine de variétés mises au point en Vivarais. Après la récolte on vidait des châtaignes sur la table pour les trier : les plus grosses étaient réservées à la vente, les plus petites étaient destinées à être broyées pour la nourriture des porcs. On ne fabriquait pas de farine pour l'alimentation humaine comme en Corse, où on la tassait dans un coffre pour la conserver plusieurs années. On le voit, la châtaigne ne joue pas le rôle qu'elle tient en Vivarais et en Castagniccia corse mais elle est tout de même l'un des piliers de l'alimentation.
   

Récolte de châtaignes sur cpa circulé en 1923

Récolte de châtaignes sur cpa circulé en 1923

🌰 Le séchoir, secador, est ici aussi l'un des éléments de l'exploitation et certains auteurs lui reconnaissent un rôle social au même titre que le four collectif à pain. Mais combien de gens  aujourd'hui savent distinguer ces petites bâtisse des poulaillers et pourtant leur plafond enfumé et à claire-voie montre bien leur destination. A la veille de 1914, ils sont toujours utilisés de la manière décrite un siècle plus tôt :
    "Quand les châtaignes sont ramassées, on les met sur une claie dans un séchoir et on les fait sécher au moyen d'une chaleur qu'on leur donne à petit feu pendant 20 ou 24 jours, et il faut avoir le soin de les tourner et retourner souvent."
(Réponse du maire de St Constant à l'enquête préfectorale, 1811)
Comme par le passé on s'efforce d'enfumer les châtaignes placées au premier étage du bâtiment, sur 40 à 60 cm d'épaisseur. Il faut sans cesse surveiller le foyer et, si le secador est en plein bois, la famille se transporte un temps à proximité.

Marché aux châtaignes à Maurs sur cpa circulé en 1917

Marché aux châtaignes à Maurs sur cpa circulé en 1917

🚂 Depuis 1866, le chemin de fer traverse la châtaigneraie cantalienne qui, dès lors est ravitaillée sans à-coups en céréales françaises ou des pays neufs. La châtaigne, succédané du pain, est lentement délaissée.
🌰 Développée, amélioré par l'homme, dès lors fragilisé, le châtaignier perd la partie, face aux essences lorsque l'homme ne le soigne plus comme par le passé et, bien avant que la maladie de l'encre et le chancre ne l'attaquent, il périclite. L'enquête préfectorale de février 1918 est éloquente à ce propos : seul le canton de Maurs est touché par la maladie alors que le châtaignier recule partout. Au début du siècle, les deux usines d'extrait tanin de Maurs (MARCHAL au Vallon et ABEIL au Aurières) emploient une cinquantaine d'ouvriers et, gourmandes, se ravitaillent aisément en Châtaigneraie : le castanhaire leur vend les écorces de chêne mais aussi celle de châtaignier. Il délaisse aussi la greffe. Les "arbres à pain" vieillissent et sont de moins en moins renouvelés. Le marché aux châtaignes de Maurs reste encore très actif en octobre, il est même alors quotidien, les paysans y apportent les lourds sacs de 70 kgs achetés par les négociants du Lot et le l'Aveyron, mais le cœur n'y est plus.

Usines MARCHAL au Vallon et ABEIL aux Aurières

Usines MARCHAL au Vallon et ABEIL aux Aurières

Merci à Mr CLOT Henri Pierre, pour m'avoir fait parvenir ces pages du livre "Le Cantal autrefois de C.MARCHI" qui raconte un bout d'histoire de notre belle cité.

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